Le coronavirus aura-t-il un effet durable sur la numérisation des soins de santé?
publié le 4 mai 2020
Dans une tribune publiée par le quotidien français Les Echos, Philippe Leduc, directeur du think tank Economie Santé (dédié à l’économie de la santé), se penche sur l’impact – présent et à venir – qu’aura la crise du coronavirus sur l’avenir des soins de santé en raison de la myriade d’initiatives, de bousculements de pratiques et de solutions nouvelles qu’elle a provoquée. “Est-ce un feu de paille qui ne résistera pas au retour des bonnes vieilles habitudes?”, s’interroge-t-il en préambule.
L’un des effets les plus visibles de ce renouveau forcé fut sans conteste, et pas uniquement en France, la percée de la télémédecine et l’émancipation des téléconsultations. En France, le nombre de ces dernières est passée de 1 % à 11 % de l’ensemble des consultations au cours du mois de mars (passant de 10.000 à 500.000 par semaine). Une tendance qui pourrait se pérenniser: “80 % des patients et 74 % des médecins utilisateurs déclarent vouloir poursuivre la consultation vidéo à l’après l’épidémie”.
Autre effet de la crise du coronavirus: l’apparition d’applis et de solutions en tous genres. “L’Agence du numérique en santé, qui dépend du ministère de la Santé, a entrepris le référencement des outils numériques destinés tant au grand public (71) qu’aux professionnels et aux établissements (135) pour s’informer, réaliser une consultation, un suivi à distance, éviter une interaction médicamenteuse, faciliter la coordination entre plusieurs professionnels ou encore pour encourager le travail en équipe.”
“Le pli est pris”, indique l’auteur, et les effets se feront durables, même en mode dilué et avec des nuances et “maturations” en termes de pratiques et de fonctionnalités finalement admises ou non dans le quotidien des soins.
“L’expérience acquise en période aiguë sera d’une richesse incomparable pour généraliser l’usage du numérique dans l’ensemble des facettes de la santé”.
L’auteur se fait même quasi-enthousiaste – et trop sûr de son enthousiasme ? – quand il évoque le regain d’outils “dotés d’une intelligence propre” pour toute une série de circonstances et scénarios (prévention individualisée, détection de rechute ou d’aggravation, observance des thérapeutiques, coopération entre professionnels ville-hôpital). Comme si la crise du coronavirus allait homologuer et doper des tendances déjà pressenties de longue date… Idem pour le recours aux données à des fins d’“études épidémiologiques en vie réelle et de reporting immédiat et comparatif sur la pertinence des soins”.
Enthousiasme mais aussi retour au réalisme quand il écrit qu’il est “illusoire de vouloir plaquer artificiellement des outils ou des systèmes numériques ou informatiques sur une organisation désorganisée et incapable de se l’approprier, car constituée d’acteurs isolés, atomisés ou encore n’ayant pas d’intérêt à agir.”
Alors comment “casser les codes et anéantir les rigidités”? “Il faut redéfinir le rôle de chacun et l’innovation de rupture – en profitant à la fois de cette effervescence technologique sans précèdent et de la période de crise sanitaire et économico-sociale majeure qui impose d’innover.”
Il conclut en estimant que, côté français, “trois conditions semblent être réunies pour franchir le cap:
– la stratégie [du numérique en santé] a été clarifiée, il faut l’affirmer et la partager davantage
– l’implication de tous nécessite des moyens financiers
– se concentrer sur 10 thèmes prioritaires déterminés avec les patients et les professionnels de santé.”