L’IA pour mieux comprendre les mauvais usages médicamenteux
publié le 17 octobre 2022
Des chercheurs de plusieurs universités américaines (Emory, Oregon et Pennsylvanie) ont réalisé une étude visant à mieux comprendre les comportements et mauvais usages faits de médications pourtant prescrites par ordonnance, phénomène désigné par l’appellation NMPDU (nonmedical prescription drug use, ou usage non médical de médicaments sur ordonnance).
Sont notamment concernés par une telle consommation “non médicale”, les opioïdes, benzodiazépines, les stimulants…
On relève une augmentation très sensible, tant aux Etats-Unis que dans d’autres parties du monde, du nombre de personnes qui consomment “en dehors des clous”, pour des raisons autres que celles pour lesquelles la prescription a été faite, associant par ailleurs souvent des médicaments prescrits par ordonnance à d’autres substances: de l’alcool pour espérer mieux dormir, des stimulants du système nerveux central consommés à des fins de résistance au stress, de “performance” professionnelle ou autre..
Désireux d’étudier ce phénomène, les chercheurs ont posé un autre constat: “les comportements et émotions associés à une consommation non médicale de médicaments sur ordonnance et les raisons qui l’expliquent ne sont pas bien cernés par des méthodes traditionnelles, telles que des études ou les demandes de remboursement.”
Il existe par contre un terreau potentiellement utile, selon eux, pour mieux disséquer et diagnostiquer ces comportements et leur contexte. En l’occurrence? Les messages laissés sur les réseaux sociaux.
L’équipe de chercheurs a dès lors eu recours à des méthodes analytiques et à l’intelligence artificielle (plus précisément à un classificateur à apprentissage automatique) pour tenter d’établir une corrélation entre émotions et le mauvaise usage médicamenteux, et pour passer au crible posts sur les réseaux sociaux (sur Twitter de manière plus spécifique).
Pas moins de 137 millions de messages publiés par plus de 87.000 utilisateurs de Twitter ont servi de matière première. Critères qui ont été analysés: les émotions exprimées (ou sous-jacentes), les sentiments, les expressions d’inquiétude, et les raisons éventuellement évoquées pour “justifier” la consommation qu’ils font des médicaments.
Le travail de recherche s’est concentré sur trois questions:
“En quoi les contenus émotionnels exprimés dans les profils Twitter des groupes NMPDU diffèrent-ils de ceux exprimés dans les profils Twitter des groupes non-NMPDU (groupe témoin)?
En quoi les tweets NMPDU diffèrent-ils sentimentalement des tweets non NMPDU?
En quoi les préoccupations personnelles, sociales, biologiques et fondamentales exprimées dans les profils Twitter des groupes NMPDU diffèrent-elles de celles exprimées dans les profils Twitter des groupes non-NMPDU?”
Résultats? “Des différences substantielles entre les textes des messages des deux cohortes” et également des différences selon que les individus soient des hommes ou des femmes.
“Les utilisateurs masculins ont exprimé une colère plus élevée et une positivité, une joie, une anticipation et une tristesse plus faibles. En termes de contenu social et personnel, par rapport aux utilisateurs masculins, les utilisatrices partageaient plus de contenu lié à la vie sociale (amis et famille), à la santé et aux préoccupations personnelles (à la maison).”
L’étude des chercheurs américains a été publiée dans la revue Health Data Science.
Sources: “Large-Scale Social Media Analysis Reveals Emotions Associated with Nonmedical Prescription Drug Use” (Health Data Science) et site ActuIA.