Les défis du DPI à l’horizon 2030
publié le 5 octobre 2021
En préambule à la réunion Partner Day du 23 septembre 2021, la communauté du Patient Numérique a eu l’occasion d’écouter un exposé du Prof. Philippe Kohl, CIO du CHU de Liège, qui avait choisi comme thème de son intervention la “vision de l’informatique médicale optimale en 2030”.
Tout un programme… Entre aventure sur le terrain souvent aléatoire de la prédiction à long terme (même s’il s’agit de moins d’une décennie) et extrapolation de tendances et signaux déjà bien présents dans le monde des soins de santé.
Après avoir rappelé que la médecine – et son avenir – se dessinent depuis quelque temps déjà, entre autres choses, dans une optique “4P” (médecine personnalisée, préventive, prédictive et participative), le Prof. Philippe Kohl a concentré une partie de son analyse sur les implications qu’ont ou auront les évolutions – technologies, pratiques et comportements – sur le DPI.
Comment, s’interrogeait-il notamment, le DPI pourra-t-il intégrer la multitude d’éléments qui interviennent désormais dans le paysage des soins: données de santé multi-sources, soins collaboratifs, autonomie grandissante (ou espérée) des patients, télémédecine, intelligence artificielle, thérapie génique, immunothérapie, microfluidique, nanomédecine,, etc. etc.
“Comment, par exemple, intégrer dans l’évolution du DPI le potentiel d’innovation et le concept de jumeau numérique? Autrement dit, la bio simulation par ordinateur qui permet de modéliser un jumeau numérique et de tester ainsi l’effet de certaines approches médicales?”
Idem pour le changement d’optique qui veut que l’on passe de plus en plus d’une approche “hospitalo-centrique” à une démarche de “patient-centrisme”, avec une multitude d’intervenants opérant dans une optique faisant une large place à la médecine et au suivi thérapeutique à domicile. Un ensemble diffus, varié et potentiellement colossal de données à transmettre vers le DPI ou le dossier médical central, avec remontée automatique vers le praticien hospitalier.
Des parcours de soins pluriels
Comment redéfinir le périmètre et le rôle du DPI pour s’accommoder du modèle de “médicament-service” qui englobe à la fois la dimension de l’administration de la thérapie ou du médicament, la mesure et le suivi du traitement et de son efficacité selon divers indicateurs – en ce compris le programme d’observance?
“Le parcours de soins se fait pluriel, impliquant différents acteurs médicaux. Il s’agit donc de connecter ces parcours de soins avec des bases de données sous-exploitées, d’autoriser notamment des alertes précoces – ce qui nous ramène à la notion de médecine de précision et prédictive.”
Quelle place, quel rôle pour le DPI dans un tel contexte de parcours pluriels et participatifs? Et comment l’y préparer?
A ses yeux, partage des données et solutions numériques sont indispensables pour faire face à cette nouvelle réalité. “Pour être efficaces et effectifs, les soins doivent être multidisciplinaires et transmuraux. Les données des hôpitaux, des spécialistes, des médecins de ville, du domicile ne peuvent être dissociées, disparates, morcelées, contradictoires. L’interopérabilité entre les divers acteurs ne peut être réalisée que si des accords sont conclus.
Démultiplication des données
Autre défi sur lequel il s’arrêtait: l’utilisation temps réel des données et la prise en compte des données dites de monde réel (real world data). DPI, données de pharmacie (prescriptions, labos…), les données collectées par les objets connectés, fournies par les réseaux sociaux… Le spectre implose. D’où la nécessité selon lui de se tourner vers les algorithmes qui “doivent aider à comprendre”, à repérer dans la masse les données – réellement – pertinentes. Jusqu’ici, les systèmes d’aide à la décision clinique (CDSS) n’ont eu que des résultats mitigés et ce, qu’il s’agisse de systèmes d’alerte contextuelle, de cotation clinique, de prédiction clinique, d’aide au diagnostic ou à la classification des maladies… En cause? “Des logiciels inadaptés aux besoins réels, aux questions qui se posent sur le terrain, des actes de soins qui demeurent posés en silos, un manque de connaissances techniques, des alarmes surnuméraires, indifférenciées, qui provoquent un rejet… “Il faut dès lors des solutions qui corrigent ces défauts ou ces lacunes. Il faut des CDSS qui soient performants et évolutifs, condition sine qua non pour en faire un élément intégral du nouveau DPI”.