Covid-19: accélérateur de tendances en soins de santé?
publié le 26 mai 2020
La pandémie Covid-19 laissera-t-elle des traces en termes de transformation numérique des soins de santé? Traces purement esthétiques ou plus profondes? Sera-t-elle un accélérateur de tendances déjà à l’oeuvre précédemment – télé-médecine, médecine de précision, médecine prédictive, médecine basée sur la “valeur” et les résultats, rôle des algorithmes et de l’intelligence artificielle…? (In)validera-t-elle certaines d’entre elles?
C’est autour de ces questions que s’est déroulée une interview menée dans le cadre d’un podcast de HIMMS. Personne interviewée: Harry Glorikian, auteur du livre “MoneyBall Medicine: Thriving in the new data drive healthcare market”.
Les points de vue développés lors de cette interview furent évidemment très américains mais certaines lignes de force s’appliquent à l’évolution globale des soins de santé.
La pandémie a mis (ou mettra) en lumière, parfois dramatiquement, la situation financière de certaines institutions, voire du système de santé en général.
L’un des arguments portait sur les finalités des DPI et autres DMI. Selon l’auteur américain, ayant été développés et étant utilisés en partie avec la facturation comme finalité (sans parler du financement des hôpitaux), “ils posent d’importants problèmes pour les établissements de soins qui essaient de se transformer”, notamment pour évoluer vers le concept de médecine basée sur la valeur et sur les résultats.
L’idée est d’évoluer vers ce genre de médecine afin de redresser les budgets des soins de santé ou de limiter le coût des soins de santé. “Il faut modifier la manière dont on paie pour le système. Sans quoi, on n’obtiendra pas l’amélioration de la productivité qu’on pourrait attendre.”
Faire payer en fonction des résultats (guérison ou atténuation d’une maladie, par exemple) vise à “tendre à des résultats les meilleurs possibles pour que le patient utilise le système le moins possible. Les assureurs-prestataires de soins se rémunèrent alors sur les primes.”
“Value shopping”
Les établissements de soins vont-ils, demain plus que par le passé, se concurrencer davantage, miser leur rentabilité sur l’attractivité des soins et l’efficacité des technologies utilisées pour ce faire?
“Les institutions qui s’étaient déjà engagées dans la voie de la transformation technologique ont eu plus de facilité à passer à la vitesse supérieure pendant la crise du coronavirus”, estime Harry Glorikian (pour le marché américain). “Par contre, beaucoup n’avaient rien implémenté et ce qui s’est passé a provoqué énormément de chaos. Le cash a commencé à s’épuiser parce que les patients, soudain, n’étaient plus là alors que l’infrastructure et les équipes devaient continuer à être payés. Il leur faudrait désormais investir dans de la technologie pour essayer de faire revenir les patients.”
Mais comment financer cette évolution? Et, de manière plus générique, comment permettre ce “value shopping”, sur base de quelles métriques de qualité, comment calculer prix et qualité? Eléments pourtant nécessaires “pour prendre une décision objective. […] Si vous ne procurez pas toutes les données aux patients [métriques, tarifs…], comment pouvez-vous attendre d’eux qu’ils prennent davantage de responsabilités par rapport à la prise en charge de leur santé et de leurs soins de santé?”
Télémédecine
Autre effet de la pandémie, des décisions ont souvent été prises dans l’urgence, notamment pour permettre les soins à distance. Certaines réglementations ont été assouplies voire même mises au frigo, oubliées. “Parfois trop”, estime Harry Glorikian.
“Il y aura nécessairement un certain retour en arrière. Par exemple, sera-t-il possible de continuer à utiliser un outil de téléconférence/ télé-collaboration tel que Zoom ou faudra-t-il se tourner vers quelque chose qui soit davantage conforme à la législation” (RGPD en Europe, HIPAA outre-Atlantique)?
Toutefois, estime Harry Glorikian, les nouvelles modalités ne disparaîtront pas à court terme dans la mesure où le Covid-19 perdurera. Une réflexion doit s’instaurer pour une utilisation pertinente et optimale de ce que permettent les outils de télémédecine. Il faudrait aller au-delà de la simple transplantation au mode virtuel d’une consultation médicale, penser et mettre en oeuvre de nouvelles procédures et pratiques et de nouveaux usages. Par exemple pour introduire le concept de soins asynchrones, de support additionnel par d’autres canaux relationnels (chat…).
Ou encore l’aide au diagnostic via recours à l’intelligence artificielle pour un “tri” préliminaire afin d’alléger la charge de travail des praticiens. Lors d’un scan effectué à distance, par exemple dans un centre de soin local ou décentralisé, les images pourraient être analysées dans un premier stade par un “simple” technicien opérant dans le site décentralisé ou par algorithmes. Uniquement dans le cas de la détection d’un problème, une mise en relation interviendrait, à distance, avec le “télé-docteur”.
Lien pour écouter ce podcast “How COVID-19 has accelerated healthcare trends”.
Lien vers une description du livre “MoneyBall Medicine: Thriving in the new data drive healthcare market” de Harry Glorikian (sur Amazon)