Livre: Le secret médical sacrifié sur l’autel du ‘business’ des données de santé?
publié le 6 décembre 2021
Un nouveau livre intitulé Mes données, ma santé se penche sur le business de l’exploitation des données de santé – par les sociétés biopharma mais aussi et surtout – et de plus en plus – par des acteurs pas forcément ancrés dans l’univers de la santé et peu soucieux de certaines valeurs traditionnelles ou “vertueuses”. Sans parler des “fuites” et piratages de données de santé, un phénomène en constante augmentation.
Un livre signé Coralie Lemke, journaliste française spécialisée en santé (elle a travaillé successivement pour L’Usine Nouvelle et Sciences et Avenir).
Elle a récemment accordé une interview au site L’ADN qui voit dans son livre le “récit de la manière dont le secret médical s’érode à la faveur de la naissance d’un nouvel Eldorado économique: les données de santé”. Extraits choisis…
S’il y a dérobeurs de données de santé, c’est… parce qu’il y a preneurs – “Les dossiers médicaux piratés constituent un moyen de pression redoutable. Et ils sont aussi très faciles à revendre car il y a une demande importante.”
Quelles sont ces “entités” prêtes à consommer de la donnée médicale? – L’auteur énumère une série de profils. Notamment? Les start-ups actives dans le domaine de l’e-santé ; les laboratoires pharmaceutiques – “pas forcément pour mettre au point des médicaments, mais aussi pour connaître la situation d’un concurrent par rapport à la sienne dans un pays précis, afin d’ajuster sa stratégie marketing” ; mais aussi… les gouvernements – “pour connaître, par exemple, la situation sanitaire de pays ennemis”.
Quid du discours vertueux émanant des collecteurs de big data de santé (via applis, capteurs, bracelets connectés…)? Une réelle promesse de progrès ou une arnaque? – Selon l’auteur, “en l’état, ces données ne valent pas grand-chose. Il faut qu’elles soient croisées avec des données médicalisées. […] Les données que collectent ces équipements connectés ne sont pas aux normes d’une captation médicale.”
Le risque aussi, c’est que ces données “user generated” évoluent dans une zone (légale) grise. Ouvrant la voie à toutes les dérives et exploitations possibles et imaginables. “Elles servent en fait surtout à faire du ciblage publicitaire.”
L’argument des GAFAM, lui, se base sur des potentiels plus probants – “L’avantage des Gafam c’est l’intelligence artificielle. C’est là où ils ont un rôle à jouer.” Avec l’approbation, voire la collaboration… de centres de recherche.
Les collecteurs de données (génétiques, notamment), les labos pharmaceutiques se font des ponts d’or, sans informer correctement les individus qui consentent à la collecte de leurs données et sans les rémunérer en retour. L’auteur cite en exemple le contrat juteux passé en 2018 par 23andMe et GSK concernant les données génétiques de 5 millions de clients de 23anMe. Pour ces derniers, “c’est une forme de double peine car ils n’ont obtenu aucune compensation en l’échange de l’exploitation de leur patrimoine génétique et devront payer s’ils ont un jour besoin d’un de ces médicaments pour se soigner.”
“En Grande-Bretagne, Amazon a accès au système national de santé.
En France, Microsoft a la main sur nos dossiers médicaux.
Et Google a signé un partenariat avec plusieurs milliers d’hôpitaux américains.
Sommes-nous en train de signer un pacte avec le diable? […] Le secret médical semble plus menacé que jamais.
Reste à savoir s’il peut encore être sauvé ou si nos données de santé, comme tant d’autres informations
ayant trait à notre vie privée, sont condamnées à nous échapper.”
Source: le ‘pitch’ du livre par son éditeur Premier Parallèle.